Livres écrits par des membres de l'Association F. Gonseth | ||||||||
Pierre-Marie Pouget : La chronique des bergers de RaveireEd. de l'Aire, Vevey (1999); 124 p. | ||||||||
De Sentes d'une identité (1992) – travail de reconnaissance filiale et de remémoration paysanne – à Socrate en religion (1996) – poursuite de l'élucidation de soi et interrogation face à l'institution ecclésiastique – Pierre-Marie Pouget ne cesse de frayer la voie à la «parole fondative et destinale», fille d'une liberté impliquant l'acte personnel conscient et responsable, orienté vers le dialogue et l'ouverture. Entre ces deux dates, en 1994 et 1995, il nous présente aussi l'œuvre du mathématicien Ferdinand Gonseth Pour un nouvel esprit philosophique et une approche de la philosophie de Heidegger Halte sur des chemins de campagne. Tous ces ouvrages figurent au catalogue des Éditions de l'Aire, lesquelles annoncent pour bientôt un nouvel essai qu'il nous tarde de découvrir : La lanterne de Diogène. Mais, pour l'heure, c'est le sixième livre de Pierre-Marie Pouget, paru à fin 1999, que nous désirons particulièrement signaler à l'attention des lecteurs : La chronique des bergers de Raveire. Ce récit s'étend des années quarante à nonante. Il suit l'évolution des frères Joseph et Julien, dans le décor grandiose et sauvage du Val Ferret où ils cherchent leurs repères face aux bouleversements du «progrès». Chacun, à sa façon, tentera de sauvegarder les marques inaliénables de ce pays, l'un en évoquant la terre nourricière, ses rythmes immémoriaux et ses dons incessants appelant une respectueuse action de grâces, l'autre en se lançant à corps perdu dans une modernisation qu'il croit inéluctable pour exprimer de cette terre tout son potentiel de rendement. Joseph rappelle les traditions ancestrales, la convivialité des montagnards et le sens du sacré. Julien, tout en aimant sa vallée natale, ne pense plus qu'en termes de rentabilité, se surendette et s'exténue à la tâche jusqu'à l'impasse. Tout commence, dans une famille heureuse, par les années d'enfance de Joseph et Julien où alternent les travaux et les jeux : «Les blés ondulaient sur les coteaux ensoleillés. Dans le fond de la vallée, les jardins potagers escortaient la rivière...». La communauté villageoise fonctionne en régime quasi autarcique; la vie est rude. L'été, les garçons deviennent bergers ou chevriers jusqu'aux plus hauts alpages de Raveire, aux côtés des maîtres-bergers expérimentés. L'hiver, ils vont à l'école. Joseph scrute, observe et se pose des questions essentielles qu'il partage avec ses parents. À l'aube de l'adolescence, il prend conscience que le tissu social ambiant se gangrène lentement et qu'un tournant historique s'amorce dans son environnement. Remaniement parcellaire, mécanisation accélérée, rendement accru éblouissent son frère Julien, le futur paysan. Joseph, lui, entre à l'internat de Saint-Maurice et s'ouvre à la vocation divine. Il ne rentre plus qu'aux vacances. Pour lui, le Val Ferret débouche à présent sur l'Italie, la Grèce, l'Orient, la littérature et la poésie. Pendant ce temps, le Valais construit ses barrages hydroélectriques et connaît la spéculation foncière; on creuse le tunnel du Grand-Saint-Bernard, on consacre la promotion économique. Julien troque le troupeau de vaches d'Hérens contre une race meilleure laitière; la vieille jument est emmenée à l'abattoir et le père, Ami d'Henri, pleure sur la fin d'un monde rythmé par le cours des saisons, où l'on respectait «ce qui était comme il était». Joseph poursuit ses études à Fribourg et se prépare à une carrière de professeur qui le ramènera à Saint-Maurice. Cependant, trop à l'étroit dans son ancien cadre, il quitte l'Abbaye pour Paris, puis revient enseigner sur les bords du Léman où il se marie. Quant à Julien, pour construire une ferme standardisée et subventionnée, il contracte une lourde dette et entraîne sa famille dans une vie insupportable de travaux forcés : l'État et ses quotas laitiers, les promoteurs titanesques et leur avidité le feront sombrer dans une révolte sans espoir. À ses questions angoissées, Joseph opposera sa «foi en la vie» et «la dimension de la liberté sur laquelle les Titans n'ont aucun pouvoir». [Luce Péclard] | ||||||||
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