Le modèle et l'analogie L'analogie | ||||||
L'analyse de l'idée d'analogie est-elle ici bien à sa place ? Est-elle bien nécessaire à la discussion du problème qui nous occupe ? S'il était possible de s'en passer, n'y aurait-il pas avantage à le faire ? | ||||||
4.4 Retour sur le problème fondamentalPeut-être n'est-il pas inutile de rappeler le but que ce chapitre IV s'est assigné. Ce but est double; comme est double la signification de toute notre étude. Celle-ci a pour premier objet de montrer que la géométrie, simplement et objectivement envisagée dans son intégrité, s'établit en discipline dialectique. Mais notre but principal se place encore plus loin. La géométrie n'est qu'un exemple (privilégié, il est vrai). À travers le témoignage qu'elle doit nous apporter, c'est une théorie.de la connaissance que nous visons, une théorie adéquate à la pratique des disciplines scientifiques. Ce chapitre se situe donc à la fois par rapport à notre premier but et par rapport à notre but essentiel. Il représente tout d'abord un instant décisif de la constitution de la géométrie en une discipline dialectique. On s'en souvient : la synthèse organique des trois aspects avait pu s'effectuer une première fois sous l'idée dominante d'une certaine équivalence (de vérité) de ces trois aspects. Au niveau de l'information naturelle, cette idée dominante s'impose avec la force d'une évidence. Elle ne résiste cependant pas à une information plus fine et plus profonde. Il ne peut être question de la conserver intacte, mais jusqu'à quel point pourrait-elle être sauvegardée ? L'échec (tout au moins relatif) de la première idée dominante remettait toute la synthèse géométrique en question. La synthèse devait être refaite, la chose ne pouvait souffrir aucun doute. Mais quel devait en être le nouveau principe ? Où trouver la nouvelle idée dominante capable d'informer à nouveau la collaboration réciproque des trois aspects ? Ce qui aggravait la situation, c'est qu'un démenti formel avait atteint, à travers l'idée dominante, les vues, la doctrine préalable, qui l'informaient. L'hypothèse de l'équivalence (de vérité) des trois aspects était conforme à un certain alliage d'un réalisme et d'un rationalisme assez sommaires tous les deux, dont la pensée scientifique s'est longtemps servie avec succès. Ce réalisme et ce rationalisme ont été mis l'un et l'autre en défaut, avec toutes leurs prétentions à une validité inconditionnelle et dans toutes leurs notions fondamentales. En un mot, ce que l'échec de la première tentative de dialectisation a le plus nettement révélé, c'est, à un certain niveau de connaissance, l'insuffisance et l'inefficacité des notions traditionnelles en face du problème de la liaison des trois aspects. Fallait-il abandonner ce problème, laisser les trois aspects se disjoindre dans et par une connaissance plus fine et plus précise ? Nous l'avons déjà dit, il ne pouvait en être question. La première tâche qui s'imposait était, au contraire, de découvrir ou d'inventer une nouvelle idée dominante, de promouvoir une nouvelle doctrine préalable idoine à l'état de notre information. Il fallait se laisser orienter et informer par l'expérience géométrique elle-même, et dégager une doctrine qui satisfasse au moins aux deux exigences suivantes : elle doit rendre une certaine valeur et une certaine validité à la première idée dominante et à la première synthèse dialectique que celle-ci inspirait, elle doit permettre de franchir une nouvelle étape dans l'analyse du problème de l'espace et nous fournir le principe d'une nouvelle synthèse dialectique. C'est à cette tâche que le chapitre III devait nous préparer par la connaissance précise de la méthode axiomatique, et que le chapitre IV devait être spécialement consacré. Celui-ci devait dégager et proposer les notions de base capables de renouveler la doctrine préalable : ces notions-clé sont précisément celles de schéma et de modèle. Qu'on veuille bien le remarquer : Le sens de ces dernières notions ne leur vient pas d'avoir été intégrées d'avance dans tel ou tel système, d'avoir déjà leur place et leur fonction dans un réalisme préalable, par exemple – ou d'avoir été accordées d'avance avec telle ou telle variété de rationalisme ou d'idéalisme. Elles ont pris leur signification dans la pratique même et dans le progrès de la connaissance géométrique. Elles n'ont pas été proposées au nom d'une expérience d'une autre essence (au nom d'une intuition métaphysique, par exemple) qui envelopperait et prédéterminerait l'expérience et la réflexion scientifiques. Elles ne sont pas soutenues par un système qui leur serait antérieur. Telles qu'elles ont été proposées, ce sont elles, au contraire, qui soutiennent et inaugurent un nouveau point de vue, une nouvelle doctrine de la connaissance : la théorie de la connaissance dialectique, de la connaissance en évolution et en progrès (c'est, bien entendu, la théorie que nous dégageons tout au long de cet ouvrage). Les moyens sont à pied d'œuvre, la preuve qu'ils conviennent sera faite en les appliquant, par les résultats de leur application. La synthétisation dialectique est prête à être reprise. Mais la portée des notions ainsi introduites dépasse la reconstitution de l'intégrité géométrique. Elles nous ouvrent précisément la compréhension des principes de la théorie générale de la connaissance qui est le principal de nos buts. Dans ce chapitre, notre regard est resté constamment axé sur ce but. C'est au nom des vues plus générales que nous aurons gagnées que nous reviendrons au problème (tel que nous l'avons laissé à la fin du chapitre précédent) de l'accord des trois aspects de la connaissance spatiale. L'idée dominante (de la synthèse à refaire) que nous proposerons à ce moment-là ne sera qu'une transcription, dans la perspective géométrique, de l'idée inspiratrice de la théorie générale. Mais jusque-là, celle-ci restera au premier plan de nos préoccupations. Or l'idée d'analogie en est aussi l'une des idées maîtresses. Il nous importe de faire voir jusqu'à quel point elle est liée à celle de la correspondance schématique. Elle représente l'un des nœuds de la liaison (sur laquelle notre attention doit encore se porter) de l'expérimental et du théorique. Même s'il était possible de s'en passer pour ce qui concerne le côté géométrique de notre étude, il nous faut l'amener à son tour au premier plan de la discussion. | ||||||
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