Fonction et finalité Symposium écrit | ||||||||
Pourquoi un symposium écrit sur le thème Fonction et finalité ? En novembre 1975, Mme Parain-Vial a organisé à Dijon un colloque de méthodologie comparée des sciences, colloque consacré au thème Évolution et Histoire. Comme toujours lorsqu'il est question de l'évolution des êtres vivants, la question de la finalité de cette évolution a été soulevée. En particulier, une brève controverse a opposé MM. Poirier et Delsol, le premier contestant la théorie synthétique de l'évolution, le second la trouvant suffisante dans son activité de biologiste (ce qui ne l'empêche pas d'avoir, sur le plan métatphysique, des conceptions très proches de celles de M. Poirier). Cependant, les participants à cette discussion se sont mis d'accord pour ne pas la poursuivre dans le cadre du colloque Évolution et Histoire, et pour souhaiter qu'on en fasse le thème d'un colloque ultérieur. Ce colloque aura lieu quelque part en Suisse, peut-être à Neuchâtel ou à Fribourg, en automne 1977. Il sera, cette fois-ci, organisé par l'Institut de la Méthode, qui a en outre proposé de le préparer à l'aide d'un symposium écrit. Une première prise de contact a eu lieu les 1er et 2 juillet à Sorbiers, chez Mme Parain-Vial; y ont participé MM. Blandin, Bonsack, Delsol, Le Masne, Mme Parain-Vial bien sûr, et M. Tintant. On peut se poser des questions au sujet de l'opportunité d'une discussion sur le thème Fonction et finalité. Car, il faut bien le dire, la finalité n'est pas en odeur de sainteté parmi les savants. Ils se souviennent que la science a été longtemps entravée et stérilisée par des explications finalistes (Aristote disait : les corps pesants tombent pour regagner leur lieu naturel, qui est le centre de la terre). Pour eux, dire que la patte du cheval est faite pour marcher, ou que les yeux sont faits pour voir, c'est verser dans un anthropomorphisme dont on devrait se défaire. Et pourtant, la physiologie est toute imprégnée de finalité. Car elle s'occupe des fonctions, et qu'est-ce qu'une fonction sinon le but d'un organe, le rôle qu'il joue dans l'ensemble de l'organisme, son utilité pour le bon fonctionnement du tout ? Comme l'écrit Jacob : «Longtemps, le biologiste s'est trouvé devant la téléologie comme auprès d'une femme dont il ne peut se passer, mais en compagnie de qui il ne veut pas être vu en public». Alors, on a proposé des mots nouveaux : on a parlé de «finalité de fait», de téléologie, puis de téléonomie, pour ne pas se compromettre avec le terme de «finalité». A-t-on pour autant clarifié la question ? — On peut en douter. C'est pourquoi nous persistons à croire qu'une discussion sur ce thème peut être utile et féconde. Mais à certaines conditions. Dont la première et la plus importante est qu'on ne reste pas dans le vague ni quant aux termes utilisés, ni quant aux faits qu'on évoque, ni enfin quant aux mécanismes qu'on envisage pour expliquer les faits. On parle de finalité, et on en parle avec bonne conscience, du moins lorsqu'on décrit l'activité d'un être humain. Par exemple, je frotte une allumette pour allumer une cigarette. La première chose à faire est d'analyser de telles actions finalisées, d'essayer de voir ce qui les distingue d'autres processus, ce qui fait qu'elles sont finalisées, comment l'homme s'y prend pour finaliser son action, etc.. Un second problème est celui de l'extension de cette catégorie de finalité. Si le biologiste l'utilise, s'il est bien obligé d'admettre que l'œil est fait pour voir (ou, ce qui revient au même, que la fonction de l'œil est de voir), il y a certainement une analogie entre cette finalité et la finalité de l'action humaine. Mais il ne faut pas s'arrêter là. L'analogie, le «tout se passe comme si» restent très vagues. S'il y a analogie, c'est qu'il y a quelque chose de commun, et il s'agit d'analyser ce qu'il y a de commun, la base de l'analogie. Bref, nous souhaiterions un travail serré : proposition, examen, critique de définitions et de mécanismes précis, plutôt que de belles dissertations sur la finalité cosmique de la biosphère ou sur la merveilleuse prudence de la providence qui a fait passer les fleuves au milieu des villes. Bien que les discussions de Sorbiers et le texte qui en est issu ne donnent pas toujours le bon exemple, c'est surtout sur une telle analyse de la notion de finalité que nous voudrions faire porter notre effort. C'est pourquoi nous exposons dans ce fascicule et avec quelque détail, les vues de Goblot, de Ruyer et de Monod, espérant ainsi susciter des critiques et des contre-propositions. Certes, nous ne pourrons sans doute pas éviter des incursions en-deçà et au-delà : en-deçà dans des préalables méthodologiques et philosophiques, au-delà dans le détail des théories de l'évolution et dans les faits paléontologiques, génétiques ou chimiques qui leur servent de support. Ces incursions devraient cependant être limitées au strict nécessaire à la bonne compréhension du thème central. François Bonsack (1976) | ||||||||
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