[...] Le matin vint trop tard. L'heure passa, et nous nous retrouvâmes,
seuls et inutiles, dans la cuisine bleutée de catelles. Nous y sommes toujours
enfermés, au prix de l'autre et de son indifférence.
Dire la solitude, raconter l'ennui au quotidien, mettre à nu la violence
ordinaire, voilà ce que sont ces petites séquences à l'écriture sans détours.
Denses et précis, ces brefs récits sont autant de tableaux sans gouache, de
photographies sans pellicule. Il y a là le souci du détail, la volonté de
traquer le banal pour le grossir, de montrer comment l'insignifiant et le
tragique forment un couple équivoque tout comme le bonheur et le désir. Certes,
les minimes engagent une vision du monde singulière où violence et lucidité
croisent le fer. Mais qu'on ne s'y trompe pas : ces nonante-neuf fragments
rappellent aussi qu'au-delà du choc des images se cache en chaque situation une
bribe d'espoir qu'il s'agit de ne pas négliger. Voilà pourquoi les coups de
poing, même par mots interposés, peuvent être salutaires.