Nous sommes dans une situation de connaissance où les thèmes
de prédilection de la philosophie, comme par exemple la question de la
conscience, de la réalité, de la vérité, ou encore,
du langage, des concepts et de leurs propriétés, ont tous été
radicalement touchés et continuent d'être touchés par la
recherche scientifique. Quelle est la juste attitude philosophique devant ce
fait ?
Convient-il d'instaurer de nouveaux fondements, à l'abri des
révisions qui s'opèrent au sein de la recherche, de leur retentissement
sur le plan philosophique ? C'est oublier que la recherche tient en échec
la stratégie du fondement elle-même. La science se montre en effet
capable de réviser les notions à la base de nos connaissances,
inscrivant en elles la loi de leur propre dépassement.
Ni la phénoménologie husserlienne ni le courant analytique,
initié par Frege, n'ont saisi le lien originel et décisif de la recherche
avec la philosophie. Comme ces deux courants occupent le devant de la scène
et que chacun tente à sa manière de fonder les sciences, c'est la
philosophie la plus officiellement reconnue qui se trompe sur les moyens de ses
ambitions.
Il existe cependant une philosophie qui fait corps avec la recherche.
Elle souscrit à l'idée dominante d'ouverture à l'expérience.
Philosophie des sciences, elle est philosophie tout court, qui reprend en
conscience l'ensemble des engagements effectifs de l'homme en un tout solidaire,
ouvert à la nouveauté, à l'imprévu et à la
sanction des faits pertinents à l'endroit des questions philosophiques.
[L'auteur, 4e page de couverture]