L'option d'ouverture à l'expérience se désolidarise d'une
tradition qui se réclame de principes évidents par eux-mêmes, que rien
ne saurait ébranler. En leur absence, nous serions ballottés à
tout vent de doctrine, incapables de prendre fermement parti pour une idée ou
un idéal. Mais ce choix philosophique d'en appeler à la sanction des
faits s'articule aux profondes révisions des sciences physico-mathématiques,
qui ont invalidé l'intention même de pouvoir recourir à de tels principes.
Révisables, ces sciences jouissent néanmoins d'une solidité et d'une
cohérence qui contrastent singulièrement avec l'adage relativiste, d'après
lequel tous les points de vue se valent.
Le philosophe qui s'engage dans l'ouverture à l'expérience ne se
trouve pas pour autant dans le camp positiviste. Sa décision méthodologique inclut
un devoir être, l'impératif d'adopter, sur l'ensemble des fronts de
l'existence humaine, une attitude ouverte au verdict des faits, qui réconcilie
la liberté de juger par soi-même et la possibilité de tendre
à l'accord des esprits. Au niveau de la question du sens de nos vies,
l'arbitrage de faits vécus et racontables nous libère des illusions
du retour à une plénitude originelle, pour nous mettre à l'écoute
des signes d'espérance sur les lieux mêmes de nos combats.
[L'auteur, 4e page de couverture]